Alors, sur la prise en compte de la circonstance aggravante du caractère raciste d& #39;un délit ou d& #39;un crime, j& #39;essaye de vous faire un truc un peu clair et les pbs que ça pose.
La circonstance aggravante de racisme a été introduite dans le code pénal en 2003 ; à l& #39;époque, et jusqu& #39;à une loi de 2017 (j& #39;y reviendrai), cette circonstance ne s& #39;appliquait qu& #39;à certaines infractions, et la loi précisait lesquelles.
En gros, il y avait essentiellement des infractions de violences physiques. Ce n& #39;était pas une circonstance aggravante ayant vocation à s& #39;appliquer, si elle était démontrée, à toute infraction pénale.
Le texte parlait alors d& #39;infraction "commise à raison de l& #39;appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée".
Le "A RAISON" est important parce qu& #39;il induit a priori qu& #39;on recherchera le "mobile" de l& #39;acte, en gros il faudrait que l& #39;infraction soit motivée par le racisme.
Et s& #39;agissant de l& #39;agression au pied de la Tour d& #39;Eiffel, beaucoup se sont précipités (coucou Caro Fourest) sur l& #39;histoire du litige autour du chien pour dénier tout mobile raciste, voire toute connotation raciste aux faits.
En réalité, sur le plan juridique, c& #39;est bien plus compliqué que ça pour le fait de savoir si on retient ou non la circonstance de racisme, et dans l& #39;analyse des éléments déclencheurs ou moteurs d& #39;un passage à l& #39;acte aussi.
D& #39;abord sur la notion de "mobile" en droit pénal. D& #39;une manière générale le droit pénal répugne à intégrer le mobile d& #39;un acte dans sa définition légale, car c& #39;est toujours très compliqué à manier et caractériser.
Le mobile, c& #39;est dans le for intérieur de l& #39;auteur, lui même est pas forcément au clair avec la raison de son passage à l& #39;acte, et d& #39;ailleurs il peut s& #39;agir de raisons multiples. Et puis c& #39;est souvent "superficiel", ou le motif avancé par l& #39;auteur,
ou qu& #39;on plaque de façon rapide en regardant l& #39;enchaînement des faits, et on y met soi-même de la causalité sans qu& #39;il n& #39;y en ait nécessairement ; et inversement on peut passer à côté du moteur profond d& #39;un passage à l& #39;acte.
Si je prends l& #39;exemple de violences conjugales, on lit souvent encore dans la presse des choses comme "sa soupe est trop froide, il bat sa femme", reprenant les déclarations de l& #39;homme violent.
Est-ce que le "mobile", la raison profonde, essentielle du passage à l& #39;acte violent est bien la volonté que la prochaine fois elle lui serve une soupe chaude ? Bon, soyons sérieux. On peut parler au plus d& #39;élément déclencheur, ou de prétexte, ou ce que vous voulez.
Du coup, le droit pénal essaye autant que faire se peut d& #39;objectiver les éléments constitutifs d& #39;une infraction, et de se référer le moins possible, dans ses définitions légales, à des choses aussi difficiles à établir qu& #39;un "mobile"
(contre exemple : le terrorisme, et d& #39;ailleurs personne s& #39;accorde sur sa définition...)
Et donc du coup, pour la circonstance aggravante de racisme, le législateur, conscient de la difficulté, a essayé d& #39;objectiver un peu les choses, et simplifier l& #39;établissement de cette circonstance aggravante.
Dès 2003, juste après avoir posé le principe de la sanction aggravée des infractions "à raison de", elle précise :
"La circonstance aggravante définie au premier alinéa est constituée lorsque l& #39;infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l& #39;honneur ou à la considération de la victime ou d& #39;un groupe de personnes
dont fait partie la victime à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée."
Et donc, vous comprenez bien que là on n& #39;est plus nécessairement dans le "mobile" du passage à l& #39;acte, mais bien dans la matérialisation d& #39;une expression raciste accompagnant l& #39;acte.
Mais il y avait un problème et une ambiguïté dans la rédaction : quid des cas où il n& #39;y a pas, au moment de l& #39;acte, de manifestation de racisme, mais où l& #39;enquête démontre pour le coup un véritable mobile raciste ?
Exemple : des identitaires qui vont saccager le lieu de vie d& #39;exilés mais laissant zéro tag raciste, rien. On les identifie après coup et on retrouve des traces d& #39;une préparation des faits avec un ciblage en raison de l& #39;appartenance des personnes à une race ou ethnie supposées.
Une loi de 2017 est venue régler le problème, et a modifié la rédaction du texte. Désormais, les deux situations sont clairement prévues et réprimées.
Voici la nouvelle rédaction de l& #39;article 132-76 du Code pénal :
"Lorsqu& #39;un crime ou un délit est précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit portent atteinte à l& #39;honneur ou à la considération de la victime
ou d& #39;un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de (...), soit établissent que les faits ont été commis contre la victime pour l& #39;une de ces raisons (...)"
La loi de 2017 a fait autre chose : elle a généralisé l& #39;applicabilité de cette circonstance aggravante de racisme à tout crime ou délit puni d& #39;emprisonnement. Il n& #39;y a plus besoin que la loi le spécifie pour tel ou tel crime ou délit.
Je vous mets la circulaire d& #39;application de la loi, pour celles et ceux que ça intéresse. http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUSD1712060C.pdf">https://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/J...
Et donc j& #39;en profite, car il y a eu les croix gammées à Paris il y a peu de temps : oui, on peut appliquer cette circonstance aggravante de racisme à des "dégradations par dessins" (le terme jurip0rn pour dire tags).
Et, ce qui a légitimement ému, cela n& #39;a pourtant pas été retenu. Il y a une explication juridique : on ne pouvait pas le faire car le texte, comme il est rédigé, implique que la victime de l& #39;acte principal (ici les tags, et donc le proprio du bâtiment) soit la cible du racisme.
Ce qu& #39;il aurait fallu faire : poursuivre pour les tags d& #39;un coté, et en plus, pour incitation, provocation à la haine raciale (j& #39;espère que ce sera le cas, avec précision que pas de comparution immédiate possible pour ce délit).
Si j& #39;en reviens cette fois à l& #39;agression au pied de la tour Eiffel. Evidemment beaucoup se sont jetés sur l& #39;histoire du litige autour du chien pour dire "ah ah pas de mobile raciste voyons vous voyez du racisme partout mais RIEN A VOIR"
Et puis l& #39;on apprend que le parquet a retenu la circonstance aggravante de racisme, ce qui est tout à fait en cohérence avec le récit des victimes puisqu& #39;il y aurait eu, concomittament aux faits, des paroles racistes.
Et je vais vous dire : je m& #39;en fiche un peu perso, de savoir ce qui peut se passer précisément dans le cerveau de quelqu& #39;un qui met des coups de couteau à des femmes en proférant des paroles racistes,
de savoir si c& #39;est "juste un raciste violent énervé" ou "quelqu& #39;un qui a ciblé une personne en raison de son appartenance supposée à...", du moins à ce stade des opérations, à chaud juste après les évènements.
Les motifs du passage à l& #39;acte sont souvent multiples, faits d& #39;éléments d& #39;explication propres à la personne de l& #39;auteur, d& #39;évènements de contexte particulier MAIS AUSSI, d& #39;éléments structurels. Et le racisme en est un.
Et il est plus qu& #39;hasardeux de dire que le fait qu& #39;une victime porte le voile n& #39;a pas joué dans un passage à l& #39;acte lorsque des paroles racistes sont proférées.
Et on vient bien quel agenda raciste ça sert, de hurler encore à la "victimisation".
Oh, et dernier truc : le communique de presse de la Préfecture de police a évidemment été utilisé pour appuyer l& #39;hypothèse "chien RIEN A VOIR".
Bah quand vous cesserez de prendre les com presse de la Pref pour une source fiable, on avancera hein.
Je pense même pas que la Pref avait une intention malicieuse ; elle a déroulé quelques évènements factuels concrets, juste pour faire sa com en mode "on gère la situation", ce qui est en soi un problème car elle N& #39;A PAS A COMMUNIQUER sur une enquête judiciaire en cours.
Et on voit bien comment ce com presse a été instrumentalisé par les fafs, merci la Pref, on avait vraiment besoin de ça en ce moment bravo.
Ah si quand même dernier truc de dernier truc : le mécanisme et raisonnement est le même pour les infractions à caractère homophobe, sexiste, transphobe puisque la loi de 2017 a créé un texte équivalent.
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